Comme son nom l'indique un sismographe est un instrument qui enregistre les mouvements du sol. La partie "mesure" de l'instrument, c'est à dire le capteur des mouvements du sol s'appelle un sismomètre. C'est à cette partie que nous allons nous intéresser, et plus précisément au modèle mécanique de sismomètre. Il existe en effet des sismomètres qui fonctionnent avec des jauges de contraintes ou des géophones et un tas d'électronique. Nous nous intéresserons plutôt au modèle muni d'une masse oscillant au bout d'un ressort et amortie par un amortisseur fluide. D'ailleurs, dans les problèmes de mécanique du lycée ou de la fac, c'est à ce modèle qu'on s'intéresse.
Pour ceux que cela intéresse, les problèmes de sismomètre sont objets de concours: les Mines filière PSI en 2001 (dont je me suis inspiré pour créer cette page) ou encore la Banque PT en 2005. Ce problème a même été posé à l'agreg de physique-chimie en 2012 !
Vous avez appris que les tremblements de terre générent deux types de mouvement du sol : des mouvements verticaux et des mouvements horizontaux. Le type de sismographe que je mentionne ci-dessus ne mesure que les mouvements verticaux.
De point de vue de la modélisation, on peut considérer ces mouvements verticaux comme des accélérations verticales locales du sol, qui générent une onde sinusoïdale.
La fréquence des ondes sismiques qui sont captées par notre sismographe dépendent de l'éloignement de l'épicentre. En France, les séismes locaux (Alpes, Pyrénées par exemple) produisent des ondes dont la fréquence varie entre 1 et 50 Hz, pour fixer les idées. Par contre, les séismes lointains, ceux du Japon ou d'Indonésie par exemple, produisent des ondes de fréquence très basse, inférieure à 1 Hz. Il faut donc que le sismographe soit sensible à un large spectre de fréquences, ce qui n'est pas forcément évident sur le plan mécanique.
Pour résumer son fonctionnement : au repos, une masse est suspendue à un cadre très rigide posé sur le sol. Le mouvement de cette masse est amorti pour des raisons que nous verrons dans la suite. Lorsque le sol tremble, le support auquel est lié la masse accélère verticalement. Cette accélération va provoquer un mouvement de la masse que nous allons modéliser puis étudier. Bien sur, pour que le sismographe remplisse son office, il faudrait qu'il traduise le plus fidèlement possible les caractéristiques des mouvements du sol. Nous verrons dans quelles conditions cela est faisable.
Pour illustrer la chose, voici à quoi ressemble un sismographe moderne à courte période, c'est à dire capable de détecter des secousses de fréquence relativement élevée (avec les remerciements du CEA-DAM).
Evidemment, il est un peu différent du modèle de sismographe "primitif" que nous allons étudier !
Pour pouvoir étudier le mouvement du sismomètre, nous allons tenter d'établir l'équation modélisant son comportement, du moins celui du stylet lié à la masse, qui matérialise le mouvement de ladite masse.
Toutes les notations utilisées dans la suite sont reprises sur le schéma ci-dessous :
Voyons ce qui se passe au repos: rien ! La masse M est en équilibre au bout de son ressort et immobile. Essayons d'établir le bilan des forces.
Nous considérons deux référentiels Rs, le référentiel lié au batî du sismographe et Rt, le référentiel terrestre. Les deux sont liés et l'on peut classiquement les considérer comme galiléens.
La masse M est immobile dans les deux référentiels. Nous pouvons donc appliquer le principe de la statique, qui nous dit que la somme des forces est nulle. Reste à identifier ces forces !
La masse M est soumise à son poids \( \vec{P} \) et, pour qu'elle ne s'enfonce pas dans le sol, à la tension \( \vec{T} \) du fil qui la supporte. Et donc nous avons \( \vec{P} + \vec{T} = \vec{O} \). Cette relation nous permet de calculer, si besoin, la longueur du ressort à l'équilibre \(l_e \) à partir de sa longueur à vide \(l_0 \). Pour cela il faut développer l'équation vectorielle puis la projeter sur l'axe Oz, muni du vecteur unitaire \( \vec{e}_z \). Ce qui nous donne:
\( m\vec{g} + k(l_e - l_0)\vec{e}_z = \vec{O} \) soit en projetant sur Oz \( -mg\vec{e}_z + k(l_e - l_0)\vec{e}_z = \vec{O} \) d'où \( l_e = l_0 + \frac{mg}{k} \).
Bien sur, m est la masse de M et k la constante de raideur du ressort.
Jusqu'ici, rien de bien nouveau, juste une petite mise en jambe pour vérifier ses habitudes concernant les projections.
Voyons maintenant ce qui se passe lorsque le sol tremble sous le sismomètre. Le bâti du sismomètre subit une accélération sur l'axe Oz, ce qui a une conséquence non négligeable sur notre manière de traiter le problème. Au repos, nous avons considéré que les répères Rs et Rt étaient galiléens. C'est bien sur toujours le cas de Rt. Mais plus du tout celui de Rs. Souvenez vous de la définition d'un référentiel galiléen : il ne doit pas être accéléré ! Nous devons donc tenir compte du fait que Rs est en translation accélérée par rapport à Rt.
Chaque mot a son importance : il est en translation, pas en rotation. Il est accéléré, pas en translation uniforme. Dans le bilan des forces, nous devons donc prendre en compte les forces d'inertie pour appliquer la seconde loi dans le référentiel Rs.
Dans notre cas, nous prendrons en compte la force d'inertie d'entrainement notée \( \vec{F}_{ie} \). Il n'existe pas de force de Coriolis car le bâti n'est pas en rotation.
Pour aller plus loin, il nous faut modéliser l'action du tremblement de terre sur le bâti. En simplifiant, on va considérer dans un premier temps qu'il s'agit d'un forçage sinusoïdal, c'est à dire qu'on assimile l'action du tremblement de terre à une vibration périodique sinusoïdale, d'amplitude \( Z_0 \) et de pulsation \( \omega \) constantes et paramétrables. Je vais l'écrire sous la forme d'une fonction du temps \( Z_s(t) = Z_0 \cos(\omega t) \).
Faisons un bilan des forces dans le référentiel Rs. Par commodité, nous choisirons d'étudier le mouvement de la masse en positionnant l'origine du mouvement au point d'équilibre de la masse au repos, ce qui nous donne :
Appliquons la seconde loi de Newton dans le référentiel Rs, en sommant toutes les forces identifiées, ce qui nous donne: \( m\frac{d^2z(t)}{dt^2}\vec{e}_z = \vec{P} + \vec{T} + \vec{F}_f + \vec{F}_{ie} \). Notre choix d'origine nous permet d'écrire que \(\vec{P} + \vec{T} = -kz\vec{e}_z \). On peut donc écrire, en reprenant les valeurs des forces de frottement et d'entrainement : \( m\frac{d^2z(t)}{dt^2}\vec{e}_z = - kz\vec{e}_z - h\frac{dz}{dt}\vec{e}_z - m\frac{d^2Z_s(t)}{dt^2}\vec{e}_z \), soit en projetant sur \( \vec{e}_z \) : \( m\frac{d^2z(t)}{dt^2} = - kz - h\frac{dz}{dt} - m\frac{d^2Z_s(t)}{dt^2} \). En simplifiant et en ramenant les termes en z à gauche de l'équation, j'obtiens 'équation : \( \frac{d^2z(t)}{dt^2} + \frac{h}{m}\frac{dz}{dt} + \frac{k}{m}z = -\frac{d^2Z_s(t)}{dt^2} \).
Il me reste à dériver deux fois la fonction \( Z_s(t) \) : comme vous le savez, cela nous donne \( \frac{d^2Z_s(t)}{dt^2} = -Z_0 \omega^2 \cos(\omega t) \) . Je remplace donc cette expression dans le membre de droite de l'équation pour obtenir :
\( \frac{d^2z(t)}{dt^2} + \frac{h}{m}\frac{dz}{dt} + \frac{k}{m}z = Z_0 \omega^2 \cos(\omega t) \)
Cette forme d'équation différentielle de second ordre est bien connue, au moins lorsque le second membre est nul. Nous l'avons rencontré dans cette page par exemple ou encore dans celle-ci.
Je vais donc, comme c'est l'habitude, identifier deux grandeurs physiques importantes en posant \( \omega_0^2 = \frac{k}{m} \) et \( \frac{\omega_0}{Q} = \frac{h}{m} \), pour reprendre les notations que nous avions employé pour l'étude de l'oscillateur harmonique. \( \omega_0 \) est la pulsation propre du sismographe et Q son facteur de qualité. Finalement, mon équation devient :
\( \frac{d^2z(t)}{dt^2} + \frac{\omega_0}{Q} \frac{dz}{dt} + \omega_0^2z = Z_0 \omega^2 \cos(\omega t) \)
Voilà donc l'équation différentielle de 2eme ordre avec second membre, qui modélise le comportement de notre sismomètre.
Je ne vais pas aborder son traitement mathématique. Comme il se doit sur TangenteX.com, nous allons l'étudier numériquement pour essayer d'en tirer le maximum.
Munis de notre modèle, nous allons maintenant étudier les deux grandeurs physiques qui caractérisent le fonctionnement de notre sismomètre. Pour qu'il remplisse son office, le sismomètre doit :
Ces deux aptitudes sont conditionnées par le facteur de qualité Q et la pulsation propre \( \omega_0 \) du sismomètre, paramètres qui, nous l'avons vu dépendent de m, k et h.
Dans notre étude de l'oscillateur à amortissement fluide, nous avons appris qu'il existait trois sortes d'amortissements en fonction de la valeur de la pulsation propre de l'oscillateur et du coefficient d'amortissement : le régime pseudo-périodique, apériodique et apériodique critique.
Nous avons déjà vu que le type de régime d'oscillation atteint par l'oscillateur dépendait des solutions de l'équation caratéristique \( r^2 + \frac{\omega_0}{Q} r + \omega_0^2 \), et donc du signe de son discriminant \( \Delta = (\frac{\omega_0}{Q})^2 - 4\omega_0^2 \). On montre facilement que le discriminant est nul si Q = 1/2 . Il est négatif si Q > 1/2 et positif si Q < 1/2 .
Dit autrement, notre sismomètre est en régime pseudo-périodique critique si Q = 1/2, apériodique si Q < 1/2 et pseudo-périodique si Q > 1/2. Rappelons que Q, le facteur de qualité du sismomètre, vaut \( Q = \omega_0 \frac{m}{h} \) et dépend donc de la masse oscillante, du coefficient de frottement fluide h et de la raideur k du ressort selon la formule \( Q = \frac{\sqrt(km)}{h} \).
Voyons l'influence de l'amortissement sur le bon fonctionnement du sismomètre.
L'amortissement est faible. La masse oscille longuement, ce qui n'est pas vraiment top pour reproduire les mouvements rapides du sol. On évitera donc, car voilà ce que cela donne pour un facteur de qualité Q = 10 et une fréquence d'oscillation de forçage de 10 Hz :
L'amortissement est fort. Les oscillations du sol et donc du bâti sont complétement lissées par l'amortissement de l'oscillateur. Dans ce cas aussi, la reproduction des oscillations du sol ne sera pas top. Voilà ce que cela donne pour un Q = 0.1 et une fréquence d'oscillation de forçage de 10 Hz :
La masse revient le plus vite possible à son état d'équilibre; ce qui lui permet de suivre le plus fidèlement possible les mouvements du sol.
Voyons ce que cela donne avec un facteur de qualité Q égal à 1/2, c'est à dire que \( \frac{\sqrt(km)}{h} = \frac{1}{2} \). Nous obtenons alors le signal de réponse suivant:
En observant la courbe de réponse en régime critique, vous remarquerez que:
Peut-on faire mieux, en surtout sans tâtonner ?
Les courbes précédentes ont été obtenues pour des ondes sismiques de fréquence égale à 10 Hz. Les caractéristiques du sismomètre sont m = 1 kg et k = 500 N.m-1. L'amortissement h est calculé en fonction du facteur de qualité choisi. La fréquence propre du sismomètre est environ de 3,55 Hz.
Revenons à la définition de notre besoin: le sismomètre doit reproduire le plus fidélement possible les mouvements du sol. Dans notre modèle, ces mouvements sont décrits par la fonction \( Z_s(t) = Z_0 \cos(\omega t) \). La réponse du sismomètre devrait donc être de la forme \( Z_r(t) = Z_r \cos(\omega t + \phi) \), avec \( \phi \) le déphasage entre la réponse et la secousse qui devrait être le plus petit possible. Dans l'idéal on devrait donc avoir \( Z_r = Z_0 \) et \( \phi = 0 \).
Nous allons donc nous intéressé à la grandeur \( \frac{Z_r}{Z_0} \), que l'on va étudier en fonction de Q et d'une grandeur nommée "pulsation réduite" égale à \( \frac{\omega}{\omega_0} \), que je vais appeler u, sans originalité (c'est la terminologie du problème d'agreg).
On démontre que ces grandeurs sont reliées par l'équation suivante:
\( \frac{Z_r}{Z_0} = \frac{u^2}{\sqrt((1 - u^2)^2 + (\frac{u}{Q})^2} \)
"On" étant n'importe quel éléve de MPSI ou de PCSI qui voudra bien faire l'exercice classique et relativement facile. A titre de piste, il faut passer en notation complexe et faire le rapport des deux Z.
J'ai fait un petit script Python, qui trace la courbe \( \frac{Z_r}{Z_0} = f(u,Q) \) pour différentes valeurs de Q: 0,2 , 1/2, \( \frac{1}{\sqrt2} \), 1 et 2. Voyons ce que cela donne:
Nous cherchons la valeur de Q pour laquelle la valeur \( \frac{Z_r}{Z_0} \) converge le plus vite vers 1. Il apparait que c'est la courbe en vert, celle pour laquelle Q vaut \( \frac{1}{\sqrt2} \). Elle converge vers 1 plus vite que celle pour laquelle Q vaut 0,5. Bien sur, je n'ai pas utilisé cette valeur de Q par hasard. Sauriez-vous la retrouver à partir de la formule ci-dessus?
Notons que la convergence s'obtient à 2% d'erreur près pour u = 2 et à epsilon près pour u = 3. Rappelons que u est le rapport de la pulsation de l'onde sismique et de la fréquence propre du sismomètre.
Fixons donc la valeur de Q = 0,707 et voyons la réponse de notre sismomètre, qui a une fréquence propre de 3,55 Hz, à une onde sismique de fréquence 10 Hz:
Le sismomètre répond en 0,2 s, l'amplitude de la réponse est égale à l'amplitude de l'excitation, avec un déphasage négligeable.
Le code Python est disponible ici. Il ne présente aucune difficulté particulière. Il débute bien sur par la déclaration des différents paramètres du système, à la fois pour le système oscillant et pour l'onde sismique. A noter la déclaration des deux fonctions :
def onde(Z0, t, OmegaF):
return (Z0*sin(OmegaF*t))
def modele_sismo(y,t,Q,Omega0,Z0,OmegaF):
z,z_dot = y
z_ddot = Z0*cos(OmegaF*t)*OmegaF**2 - (Omega0**2)*z - (Omega0/Q)*z_dot
return[z_dot, z_ddot]
Attention, les indentations indispensables à Python ne sont pas respectées ici.
L'équation différentielle du modèle est traitée très classiquement par un appel à odeint, avec les conditions initiales indiquées ci-dessous:
# conditions initiales du sismographe
z0 =0.0
z_dot0 = 0.0
# excitation du sismographe
sol = odeint(modele_sismo, [z0, z_dot0], t, args=(Q,Omega0,Z0,OmegaF))
l'affichage est obtenu par les instructions suivantes:
plt.title('Onde sismique et reponse du sismographe')
plt.plot(t,ondesismique,'b', label='onde sismique')
plt.plot(t,sol[:,0],'r', label='reponse sismographe')
plt.legend()
plt.xlabel('Temps (s)'); plt.ylabel('Amplitude')
Le code Python est disponible ici. Son seul point remarquable est la définition de la fonction Reponse(u,Q) :
def Reponse(u,Q):
return (u*u/(sqrt((1 - u*u)**2 + (u/Q)**2)))
Là aussi, attention à l'indentation...
Vous voilà en possession d'un programme avec lequel vous pouvez explorer le monde des oscillateurs forcés ou non, il vous suffit de modifier l'équation différentielle du modèle. Vous pouvez également utiliser la fonction de FFT de Python pour faire une analyse spectrale du signal de réponse. Nous avons vu la technique ici. En bref, amusez-vous bien !
Contenu et design par Dominique Lefebvre - tangenteX.com mars 2013 -- Vous pouvez me joindre par ou sur PhysiqueX
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