Dans la page de ce site consacrée à l'équation de Poisson, nous avons vu comment calculer le potentiel électrostatique créé par une charge, un électron par exemple, en résolvant l'équation de Poisson \( \Delta \: V = -\frac{\rho}{\epsilon_0} \) pour une répartition de charge ponctuelle.
Voici une représentation du champ de potentiel créé par un électron, obtenue avec le script PotentielElectron.py :
Sur cette représentation, l'électron est situé au milieu de la surface. Vous notez que le champ de potentiel, pratiquement plat (et nul) à distance de l'électron, se creuse lorsqu'on se rapproche de l'électron, pour prendre des valeurs très grandes à proximité de celui-ci, très grandes valeurs qui sont limitées par la représentation numérique et graphique d'un ordinateur.
L'équation de Poisson nous donne une solution du champ de potentiel créé par un électron. Pour obtenir l'expression du champ électrique, nous utiliserons l'équation bien connue \( \vec{E} = -\vec{grad} \: V(x,y) \).
Le script ChampElectron.py poursuit le travail du script PotentielElectron.py en calculant le gradient du champ de potentiel. A cette fin, j'utilise la fonction gradient() de NumPy dans la portion de code suivant:
# calcul du champ électrique
Ex,Ey = gradient(V)
E = -(Ex*Ex + Ey*Ey)**0.5
# normalisation à la position de l'électron par moyenne sur le voisinage
i = j = N/2
E[i,j] = 0.25*(E[i-1,j] + E[i+1,j] + E[i,j-1] + E[i,j+1])
La fonction gradient() retourne deux vecteurs contenant les Ex et Ey du champ électrique, qui me permet de calculer la valeur de celui-ci pour chaque point de la grille à l'aide de la formule de la norme bien connue.
En chaque point de la grille, enfin presque ! Parce qu'à l'emplacement de l'électron, j'ai un problème : la valeur du gradient calculé est nulle. Je suis obligé de normaliser cette valeur, en la posant égale à la moyenne de la valeur du champ dans le voisinage.
La représentation du champ électrique créé par un électron, obtenu avec le script ChampElectron.py est :
La question survient au détour d'un calcul numérique, mais elle a bien sur une portée physique bien plus large : quelle est la valeur du champ électrique et de son potentiel à proximité de la charge, ici un électron ?
Considérons une charge électrique ponctuelle, c'est à dire sans extension spatiale et cherchons à calculer l'expression du champ électrostatique que produira cette charge. En 1785, Charles-Augustin Coulomb établit une loi, basée sur l'expérimentation. Cette loi permet de relier la force exercée mutuellement par et sur deux charges électriques q et q', qui s'exprime selon l'équation \( \vec{F} = \frac{1}{4 \pi \epsilon_0} \frac{q*q'}{r^3} \vec{r} \), avec les notations habituelles. Et comme nous savons que \( \vec{F} = q' \vec{E} \), alors nous pouvons établir que \( \vec{E} = \frac{1}{4 \pi \epsilon_0} \frac{q}{r^3} \vec{r} \), le champ produit par la charge q.
En projetant et en tenant compte de la symétrie sphérique du problème, nous obtenons \( E = \frac{1}{4 \pi \epsilon_0} \frac{q}{r^2} \). Notre célèbre loi en 1/r^2 ...
Dans cette équation, r désigne la distance entre la charge ponctuelle et un point quelconque de l'espace. Lorsque r tend vers l'infini, la valeur du champ électrostatique tend vers 0, ce qui correspond à notre intuition physique.
La situation devient beaucoup plus ennuyeuse lorsque r tend vers 0, c'est à dire lorsqu'on se rapproche de la charge ponctuelle. Dans ce cas, la valeur du champ électrostatique tend vers l'infini ! Autant vous dire qu'un champ infini, ce n'est pas trop réaliste ... Sans parler de ce qui se passe en r = 0, à l'emplacement de la charge, où le champ n'est pas défini.
Bref, la loi de Coulomb a un sérieux problème, que peu de cours de physique mentionnent. Voyons de quoi il retourne, et s'il est possible de répondre à cette curiosité.
Comme son nom l'indique, une charge ponctuelle serait un point doté d'une charge électrique, ou bien, ce qui revient presque au même, une charge électrique sans extension spatiale, de la dimension d'un point au sens mathématique du terme.
La notion de charge ponctuelle a quelques avantages, le plus important étant de ne nécessiter que trois paramètres spatiaux et un paramètre électrique (la valeur de la charge) pour la caractériser.
Mais considérer une charge électrique comme ponctuelle présente aussi des inconvénients majeurs. Le principal étant qu'une charge ponctuelle présente théoriquement une énergie infinie, et donc une masse infinie, ce qui est gênant, vous en conviendrez ! Pourquoi cela ? Parce que l'énergie électrostatique d'une sphère chargée dépend de l'inverse de son rayon et que si le rayon tend vers 0, comme dans le cas d'une charge ponctuelle, alors, l'énergie tend vers l'infini. C'est le problème des divergences, que l'on rencontre en physique classique.
Autre aspect ennuyeux : il est courant de parler de moment magnétique et de moment angulaire d'une particule chargée, d'un électron par exemple. Or comme vous le savez, la notion de moment (d'une force) implique une extension spatiale: difficile de parler du moment mécanique, magnétique ou angulaire d'un point !
Tout cela est fort ennuyeux, bien que généralement, les prof fassent l'hypothèse de la charge ponctuelle sans entrer dans ces détails gênants ! Voyons ce que cela donne dans le cas de l'électron.
L'électron est une particule élémentaire du modèle standard de la physique des particules, un fermion plus précisément. Cela signifie qu'on ne lui connait pas de sous-constituant, contrairement au proton par exemple dont on sait qu'il est constitué de quarks. C'est même la première particule élémentaire découverte, par J.J Thomson en 1897, date à laquelle personne n'avait la moindre idée de ce qu'était une particule élémentaire. JJ Thomson a découvert que cette particule portait une charge négative et a même mesuré son rapport charge/masse. Et comme Millikan a découvert en 1909 la valeur de la charge élémentaire e, la détermination de sa masse fut immédiate.
Nous connaissons donc aujourd'hui très précisément la masse (9,109.10^-31 kg) et la charge de l'électron (1,602.10^-19 C). Notez qu'aucune théorie ne permet actuellement de calculer la charge électrique de l'électron.
Il semble que l'électron ait une durée de vie infinie. Et s'il devait disparaitre, je ne vois pas comment cela respecterait la loi de conservation de la charge électrique, ce qui serait assez difficile, car l'électron est la charge élémentaire d'électricité!
Dans la plupart des cours et des problèmes posés au lycée, en prépa et en licence, l'électron est considéré comme une particule ou une charge ponctuelle. Un point doté d'une masse et d'une charge électrique, c'est quand même bizarre, sans compter les menus désagréments que j'ai mentionné ci-dessus.
En physique classique, d'aucuns ont eu l'envie de calculer le rayon de l'électron à partir de relations éprouvées. Nous savons que l'énergie potentielle électrostatique d'un électron considéré comme une sphère chargée de rayon \( r_e \) est égale à \( E_p = \frac{e^2}{r_e} \) si e est la charge de l'électron. La théorie de la relativité restreinte nous dit d'autre part que son énergie est proportionnelle à sa masse \( m_e \), que nous connaissons expérimentalement. On pose donc \( \frac{e^2}{r_e} = m_ec^2 \), ce qui nous donne naturellement \( r_e = \frac{e^2}{m_ec^2} \), soit en gros 2,8 fm ( un femtomètre est égal à 10^-15 m).
Autant que je vous dise tout de suite que cette valeur est assez fantaisiste, et qu'elle ne correspond à aucune réalité physique. Le calcul qui permet de l'obtenir ignore superbement les contraintes de la physique quantique ! En fait, cette valeur a une utilité : elle indique à partir de quelle dimension il faut tenir compte des effets quantiques !
Il est possible d'isoler et d'immobiliser un électron dans un dispositif électromagnétique que l'on appelle un piège de Penning (en fait développé par Hans Dehmelt, Nobel de physique 1989). C'est une cavité sous vide, refroidie à une température de quelques kelvins et soumise à un champ électrostatique quadipolaire et un champ magnétique uniforme. Des physiciens ont mesuré le rayon d'un électron dans ces conditions, et ont obtenu une valeur d'environ 10^-22 m. Enorme différence ! Et encore s'agit-il de savoir ce que l'on mesure...
Faut-il considérer l'électron comme une particule sans extension spatiale, une charge ponctuelle ? Faut-il la considérer comme une sphère chargée de 2,8 fm de rayon ? Que mesure-t-on dans un piège de Penning et qui vaudrait 10^-22 m?
Revenons aux fondamentaux de la mécanique quantique, l'équation de Schrödinger et les inégalités d'Heisenberg. Ces équations nous disent que nous ne pouvons pas considérer l'électron comme une sphère dure de rayon fixe, que ce soit 10^-15 ou 10^-22 m. Nous pouvons tout juste dire que l'électron est dans telle ou telle zone de l'espace avec une probabilité calculable par l'équation de Schrödinger. En d'autres termes, il est très probable qu'il soit dans un endroit donné où nous l'attendons, au centre du piège de Penning par exemple, mais qu'il existe une probabilité non nulle qu'il soit à l'autre bout du monde.
En mécanique quantique, la notion d'extension spatiale n'a aucun sens, s'agissant de particule quantique. Voyez l'électron comme une boule à la frontière très floue. Imaginez un pompon en laine, et essayez d'en mesurer le diamètre: faut-il écraser les brins de laine ? Beaucoup ou pas beaucoup ? Pas évident, non !
Tout ça ne nous dit pas ce qui se passe lorsqu'on s'approche très près, le plus près possible de la région de l'espace où la probabilité de trouver l'électron est la plus grande, ou pour le dire plus simplement lorsque r tend vers 0. D'après la théorie classique des champs, le champ électrique diverge, il tend vers l'infini !
Les physiciens ont inventé un nouvel outil que l'on nomme "renormalisation". Cette méthode, très complexe, que l'on retrouve dans plusieurs théories, dont l'électrodynamique quantique (QED), permet d'empêcher la divergence de certaines grandeurs qui avaient la fâcheuse tendance de tendre vers l'infini. En très très gros cette méthode affirme que les constantes que nous posons dans nos formules, telles que la masse ou la charge d'un électron, diffèrent par leurs valeurs des grandeurs physiques que nous mesurons au laboratoire, cette différence étant provoquée par des interactions complexes avec des particules virtuelles. En bref, la masse de l'électron dans une formule de QED n'a pas la même valeur que la masse de l'électron mesurée au labo. Tiré par les cheveux, sans fondement théorique solide, mais ça marche, en attendant de trouver mieux ! Si vous voulez en savoir plus, l'article de Wikipédia sur la renormalisation est très bien fait, mais complétement inabordable pour notre public.
Les scripts Python étudiés dans cette page sont disponibles dans le package SEPython.zip :
La notion de charge ponctuelle, très utilisée au lycée devrait être explicitée en cours de physique. En particulier dans le programme de première ou de terminale où il est question de spin, en laissant entendre qu'il s'agit d'une rotation de l'électron sur lui-même. Cette analogie (au mieux !) est déjà suffisamment agaçante, mais que dire d'un point qui tourne sur lui-même !
Il est en de même sur le comportement du champ électrique au voisinage des charges. Certes, peu d'élèves iront voir leur prof en demandant ce qui se passe lorsque r tend vers 0, mais encore moins nombreux sont les enseignants qui feront la remarque à leurs élèves. Et pourtant, c'est comme cela que l'on éveille le goût pour la recherche, par le questionnement.
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