Ernest Rutherford
Commençons par présenter brièvement ce physicien extraordinaire, lauréat du prix Nobel de... Chimie en 1908, pour ses travaux sur la radioactivité!
Lord Ernest Rutherford of Nelson est né le 30 août 1871 à Nelson (NZ) et est mort le 19 octobre 1937 à Cambridge (UK). C'est un des pères fondateurs de la physique moderne. On lui doit, entre autres:
et autres babioles....
Dans cette page, nous nous intéresserons à la découverte des lois de diffusion des particules alpha par de la matière, en l'occurrence une feuille d'or très fine. De ces lois, Rutherford a déduit l'existence et la taille du noyau atomique.
Pour éviter les malentendus, je précise que l'exposé qui suit est strictement limité à la physique classique, telle que la connaissait Rutherford en 1911 ! L'explication des phénomènes dont nous allons parler serait très différente en physique quantique, mais pour aboutir au même résultat. Il ne serait plus question de noyau d'hélium qui entre en collision avec un noyau d'or, mais plutôt de diffraction d'une onde de densité de probabilité sur une barrière de potentiel sphérique ou quelque chose de similaire. Pour ceux que cela interpelle, voir la page sur l'équation de Schrödinger.
Disons tout de suite par respect pour l'histoire que l'expérience dite "de Rutherford" a été réalisée par Hans Geiger (oui, celui des compteurs) et Ernst Marsden entre 1908 et 1909. Rutherford est intervenu dans la conduite de l'expérience et dans l'interprétation des résultats, sans parler bien sur de la création du modèle atomique auquel elle a abouti. C'était en 1911.
Rappelons-nous que le modèle d'atome en vigueur à l'époque est celui de JJ Thomson, soit une gelée charges négatives et positives. On l'appelle le modèle "plum pudding"!
Voyons d'abord les travaux précurseurs et les découvertes qui ont conduit à l'élaboration de l'expérience de Rutherford:
A partir de ces différents éléments, Rutherford, Geiger et Marsden ont étudié la diffusion des particules alpha après passage dans la matière. En guise de matière, ils utilisent de fines feuilles de métal (Al, Au, Pb, etc..).
Les particules alpha ont une énergie comprise entre 4 et 8 MeV (resp. pour le thorium et le polonium) . L'équipe de Rutherford utilisait une source de radium, qui générait des alphas d'énergie égale à environ 4,8 MeV (source).
Leur dispositif expérimental était assez simple: un morceau de radium est disposée à l'extrémité d'un tube d'environ 1 m. la source est protégée par une chappe de plomb. A l'autre extrémité se trouve une fente de collimation. Puis, dans l'axe, à environ 50 cm de la fente, un écran circulaire de sulfure de zinc. Le tout dans une enceinte sous vide. Au niveau de la fente, il était possible de disposer de fines feuilles de matière qui sont donc traversées par le faisceau de particules.de particules.
Image d'origine inconnue - trouvée sur le net
En l'absence de matière, on observe aucune diffusion, le faisceau provoque une tâche très nette. En ajoutant de la matière, et en particulier une ou plusieurs feuilles d'or, on constate que certaines particules, peu nombreuses, sont diffusées avec un angle plus ou moins grand, pouvant égaler voire dépasser 90°. Geiger et Marsden ont montré qu'une particule sur 8000 était réfléchie par une feuille d'or de 6*10-5 cm.
Rutherford a construit sa réflexion sur les points suivants, selon les postulats de la mécanique classique rappelons le:
En 1911, à partir de ces faits expérimentaux, Rutherford a imaginé un modèle d'atome constitué d'une charge positive ponctuelle et centrale: le noyau et d'un cortège d'électrons en révolution autour du noyau, sans qu'il précise d'ailleurs dans quelles conditions (car la stabilité de l'ensemble était plutôt sujette à discussion!). Il s'agit du modèle planétaire, qui ressemble à ça (le coté ponctuel de la charge positive en moins!):
Image d'origine inconnue - trouvée sur le net
Il calcule, à partir des données disponibles à son époque, que la distance d'approche la plus courte du noyau par une particule alpha est d'environ 3*10-14 m. Nous verrons dans nos simulation qu'il n'est pas tombé loin!
Geiger a aussitôt calculé et validé expérimentalement la variation de l'angle de diffusion en fonction du modèle proposé par Rutherford, et en particulier la relation qu'on appelle aujourd'hui "section efficace de diffusion". Une nouvelle physique de la matière était née....
J'invite vivement ceux que l'histoire de cette partie de la physique intéresse à lire le chapitre 3 de l'excellent "De l'atome au noyau" de Bernard Fernandez.
Notre première modélisation nous permettra de comprendre pourquoi et comment une particule alpha, chargée positivement, peut être diffusée par un noyau cible, un noyau d'or dans cette expérience. Elle nous permettra aussi de se fixer les idées sur les ordres de grandeur de l'expérience.
Voyons les lois de la physique que nous allons utiliser. Comme d'habitude, les lettres grasses désignent des vecteurs.
Nous sommes en présence de deux particules chargées, de même signe. Elles subissent donc une répulsion coulombienne que je sais égale à:
F = (q1q2/ 4πε0 ) r/r3
q1 est la charge positive de la particule alpha, soit 2*e puisqu'il s'agit d'un ion d'hélium He2+
q2 est la charge positive du noyau d'or, soit 79*e
Nous sommes en présence du mouvement d'une particule sous l'action d'une force centrale. Bien que la vitesse de la particule alpha ne soit pas négligeable devant c (environ 1/10 de c), on se placera dans une hypothèse non relativiste. Cela fera une approximation de plus dans ce modèle!. Nous allons donc nous placer dans un référentiel galiléen et appliquer la seconde loi de Newton:
F = m*γ
m : masse de la particule alpha
Nota : je fais quelques autres approximations, en tenant compte du fait que le noyau d'or est bien plus massif qu'une particule alpha (resp. 197 uma et 4 uma, uma = unité de masse atomique)
Le référentiel est centré sur le noyau d'or (approximation sur le centre de masse du système). Dans ce référentiel, j'égale les deux équations ci-dessus et je les projette sur les axes Ox et Oy. J'obtiens:
d2x/dt2 = k* x/(x2 + y2)3/2
d2y/dt2 = k* y/(x2 + y2)3/2
avec k = q1q2/ 4πε0
Comme il se doit, nous allons adimensionner ces deux équations en choisissant les variables caractéristiques suivantes:
lc = rayon du noyau
tc = lc/c, avec c vitesse de la lumière
On opère donc les changements de variables X = x/lc, Y = y/lc, T = t/tc
Le coefficient k est lui-même adimensionné, ce qui nous donne K = k*tc2/lc 3.
Ce qui nous donne finalement les équations suivantes:
d2X/dT2 = K* X/(X2 + Y2)3/2
d2Y/dT2 = K* Y/(X2 + Y2)3/2
Nous allons donc intégrer ce système d'équations différentielles, en utilisant la méthode RK4, maintenant bien connue! Représentons sur un schéma le type de courbe que nous obtiendrons:
Le noyau d'or est positionné à l'origine du référentiel xOy. La particule alpha est tirée à une ordonnée b. Cette valeur b est nommée le paramètre d'impact.
On remarque que la trajectoire est une branche d'hyperbole, ce qui était facilement déductible de la forme du système différentiel.
Notons aussi les caractéristiques nécessaires pour calculer l'angle de diffusion θ. A une distance suffisante du noyau, considérons la droite passant par O et parallèle à l'asymptote de l'hyperbole. Ces deux droites sont séparées par la distance b et forment avec l'axe des abscisses un angle θ, l'angle de diffusion recherché. On peut donc facilement établir que :
Le modèle présenté ci-dessus est simplissime. Il souffre de plusieurs défauts majeurs, et de beaucoup plus de défauts mineurs:
Mais il reste cependant une approche intéressante pour comprendre la structure de la matière et pour interpréter l'expérience de Rutherford. Car Rutherford lui-même n'avait pas conscience de ces limitations....
Le programme complet en C, qui utilise la librairie graphique Dislin pour le tracé graphique, est très classique. Son code source Rutherford.cpp est téléchargeable.
Voici un premier exemple de simulation, pour une particule d'énergie 7,7 MeV et un paramètre d'impact b = 1 unité caractéristique.
Un mot sur les unités caractéristiques utilisées :
Dans cette simulation, deux paramètres sont à explorer:
Le programme Rutherford permet de simuler la trajectoire d'une seul particule au cours et après son interaction avec le noyau d'or. C'est un bon début pour simuler l'expérience de Rutherford, mais c'est largement insuffisant!
Pour simuler cette expérience, il faut trois modules:
Le rayon du faisceau est un paramètre du programme. Plus il est fin, au regard des dimensions nucléaires, plus l'angle de diffusion des particules sera élevé.
Pour assurer le réalisme de la simulation, il faut que les particules soient aléatoirement distribuées dans le faisceau. Pratiquement, cela implique que la valeur du paramètre d'impact doit être aléatoirement distribuée. On démontre (ceux qui veulent la démonstration peuvent me la demander..) que cela revient à écrire b = x*RayonFaisceau, x étant un nombre aléatoire compris entre 0 et 1. Le programme sera donc doté d'une routine de génération de nombres aléatoires, que j'ai emprunté à Numerical Recipes in C.
Le faisceau est tiré d'une distance suffisamment éloignée du noyau cible pour que l'on puisse considérer que les particules ne sont pas sous son influence coulombienne. J'ai fixé cette distance à 600 UC (unité caractéristique).
Enfin, on considérera que le faisceau est monocinétique, c'est à dire que toutes les particules alpha possèdent la même vitesse initiale et donc la même énergie.
Il s'agit de concevoir un mécanisme qui détecte toutes les particules, quelque soit leur angle de diffusion et qui les compte et les classe en fonction de cette valeur d'angle.
Pour reproduire relativement fidèlement le dispositif expérimental sans trop charger la barque de calculs, j'ai conçu un système de détecteurs d'ouverture angulaire de 10°, répartis sur un polygone de 36 cotés, qui couvre donc toute la périphérie de la cible. Ce système de détection est situé à une distance suffisante de la cible, pour que le calcul de l'angle de diffusion soit aussi précis que possible. Après quelques essais, j'ai fixé cette distance à 400 UC. Elle dépend en fait de la largeur du faisceau, mais devrait convenir pour des faisceaux de moins de 200 UC de rayon.
Chaque détecteur est muni d'un compteur.
A la fin de l'expérience, le cumul de comptage pour chaque compteur sera archivé dans un fichier, qui pourra faire l'objet de traitement ultérieur.
Le programme Rutherford2 s'inspire bien sur du programme Rutherford. Il est téléchargeable ici.
A noter donc dans ce programme, la procédure de génération des nombres aléatoires (tirée du Numerical Recipes in C) et sa graine (de ma mouture, mais extrèmement classique!), qui pourront être réutilisées.
Attention lors de l'utilisation: les temps de calcul peuvent être longs! Avec les paramètres du programme, sur une machine Dell Precision M6400 (Core 2 Duo T9400 à 2,53 Ghz), je calcule la simulation pour 100 particules en 2'15" et pour 1000 particules en plus de 35' . Ne vous impatientez pas devant votre écran! Et pour les essais de mise au point, tirez 10 particules dans le faisceau...
Le paramètre de calcul déterminant est le pas deltat, mais il ne vaut mieux ne pas augmenter pour obtenir des résultats cohérents
Une précision concernant le tableau des compteurs. Ils sont numérotés de 0 à 17 pour les angles variant de 0 à 180° dans le sens trigo, par pas de 10°, et de 18 à 35 pour les angles variant de 0 à -180 par pas de -10°.
Voici un exemple de simulation:
Cette simulation est obtenue avec un faisceau de 100 particules de 8 MeV. Le faisceau est étroit (10 unités caractéristiques), ce qui explique les nombreuses diffusions. Le lecteur pourra refaire la simulation avec un faisceau plus large.
Vous l'aurez compris, le polygone vert (36 cotés, autant que de détecteurs) figure le système de détecteurs. Vous constatez un écrasement de la figure, alors que l'échelle montre sa symétrie. Il s'agit d'un effet du à la librairie Dislin qui produit des schémas anisotropiques, du moins tel que je l'utilise. Je n'ai pas trouvé dans la doc le moyen d'obtenir un tracé isotropique. Si quelqu'un a l'astuce....
Le point rouge en (0,0) représente la cible bien sur!
Dans le fichier RutherfordCompteurs.txt, produit par Rutherford2, sont stockés : le nombre de particules du faisceau sur la première ligne, et le nombre de particules détectées pour chaque détecteur sur les 36 lignes suivantes.
Contenu et design par Dominique Lefebvre - tangenteX.com mars 2013 Contact : PhysiqueX ou
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