La relativité restreinte en Terminale S

La relativité en mécanique newtonienne

Les postulats de la mécanique newtonienne

La mécanique newtonienne, dite aussi "mécanique classique", repose sur quelques postulats essentiels, qui sont plus ou moins perçus intuitivement en terminale.

La notion de référentiel d'inertie

Toute loi de mécanique implique l'usage d'un référentiel pour déterminer la position d'un objet et mesurer un temps. Nous avons déjà abordé le sujet. Lorsqu'un corps est en mouvement dans un référentiel, sans subir aucune force extérieure (ou bien si elles se compensent), sa vitesse est constante. Dans ce cas, on dit que le référentiel est galiléen ou encore qu'il s'agit d'un référentiel d'inertie. Je préfère d'ailleurs cette dénomination à celle de "référentiel galiléen", car elle est plus parlante !

Une conséquence importante de cette définition est que tout référentiel se déplacant en mouvement rectiligne uniforme (à vitesse constante) par rapport à un référentiel d'inertie est lui-même un référentiel d'inertie.

Le principe de relativité en mécanique classique énonce que toutes les lois de la mécanique sont identiques dans tous les référentiels d'inertie. Notez qu'il s'agit bien des lois de la mécanique, pas de la physique en général...

Le temps absolu

Dans la définition du référentiel, j'ai implicitement disposé d'une horloge, pour mesurer un temps. C'est inutile en mécanique classique, mais c'est une bonne habitude à prendre comme on le verra dans la suite. En effet, la mécanique classique suppose qu'il existe un temps absolu, mesuré par une horloge universelle, temps qui est identique dans tous les référentiels inertiels ou non. C'est à Newton que l'on doit cette affirmation : le temps absolu, vrai et mathématique, sans relation à rien d'extérieur, coule uniformément, et s'appelle durée (Principia - Définitions - Scholie).

Ce postulat a pour conséquence, entre autres, la possibilité de définir la simultanéité de deux évènements survenus dans des référentiels distincts, car nous faisons référence à une horloge commune à tous les référentiels.

La transformée de Galilée

Considérons deux référentiels d'inertie R et R', de centres respectifs O et O' en déplacement rectiligne uniforme à la vitesse V. Soit M un point, de coordonnées (x,y,z,t) dans R et (x',y',z',t') dans R' . Une simple analyse vectorielle nous permet d'écrire la relation \( \vec{OM} = \vec{OO'} + \vec{O'M} \). Sachant que les origines O et O' des référentiels ont parcouru la distance Vt au bout d'un temps t, je peux écrire que x = Vt + x'. Le fait que les deux référentiels soient en translation conserve les autres coordonnées et donc y' = y et z' = z. Le postulat du temps absolu me permet d'écrire t' = t. Je peux donc établir la transformée de Galilée, applicable à tous les référentiels d'inertie en translation:

x' = x -Vt; y' = y; z' = z; t' = t

On peut la généraliser aux mouvements relatifs quelconques de deux référentiels d'inertie en écrivant, avec \(\vec{r}\) et \(\vec{r'}\) le rayon vecteur de M:

\( \vec{r'} = \vec{r} - \vec{V} \)

La loi de composition des vitesses

Il vous est peut être arrivé d'être assis(e) dans un train qui circule à vitesse constante et d'apercevoir un autre train qui circule sur la voie à coté du votre... Si l'autre train circule à la même vitesse que le votre, il vous semblera immobile, à moins que vous n'aperceviez un repère terrestre qui vous indiquera les mouvements. Si par contre l'autre train circule plus vite, vous le verrez vous dépasser plus ou moins vite. Maintenant, vous vous levez et vous marchez dans le couloir.. Peut-être arriverez vous à rattraper le train d'à coté...

Vous appliquez ici la loi de composition des vitesses, sans peut-être le savoir ! C'est une loi de la mécanique classique qui s'exprime simplement. Imaginons qu'un mobile M se déplace dans le référentiel R' à la vitesse \(\vec{v'}\) et que le référentiel R' se déplace à la vitesse \(\vec{V}\) dans le référentiel R. Alors, le mobile M se déplacera à la vitesse:

\( \vec{v} = \vec{v'} + \vec{V} \)

dans le référentiel R. Pour information, \(\vec{v}\) est la vitesse absolue, \(\vec{v'}\) la vitesse relative et \(\vec{V}\) la vitesse d'entrainement, par rapport au référentiel R. Cette loi de composition des vitesses, pourtant intuitive et compréhensible dans notre expérience quotidienne, causera la perte de la mécanique classique.

On montre ainsi assez facilement que les lois de la mécanique classique sont invariantes par rapport à la transformation de Galilée. C'est le principe de relativité galiléenne.

Les incohérences de la relativité galiléenne en mécanique newtonienne

L'expérience de Michelson et Morley

Avant 1905, et depuis le début du XIXeme siècle, l'hypothèse ondulatoire de la lumière prédominait (voir cette histoire ici). Le milieu de propagation de la lumière, car il en fallait un s'agissant d'une onde, était nommé l'éther, sans qu'il soit bien défini. Les physiciens ont donc cherché à qualifier ce milieu, en particulier en utilisant la loi de composition des vitesses. Citons l'expérience de Fizeau en 1851, que vous trouverez décrite en détail dans l'expérience de Fizeau et surtout l'expérience de Michelson et Morley en 1887, décrite dans l'expérience de Michelson-Morley.

Dans les deux cas, et dans bien d'autres expériences similaires, les physiciens ont constaté que la vitesse de la lumière semblait invariante: elle ne s'additionne pas à la vitesse à la vitesse de sa source, contrairement à ce qu'impose la relativité galiléenne ... La loi de composition des vitesses décrite par celle-ci n'est pas vérifiée. Très gênant !

Le cas des équations de Maxwell

Les équations de Maxwell, qui ne sont pas abordées au lycée, fondent l'électromagnétisme, domaine qui recouvre entre autres le comportement des ondes électromagnétiques et donc de la lumière... Les lycéens en connaissent toutefois quelques résultats, par exemple l'expression de la force de Lorentz qui s'exerce sur un conducteur en mouvement à la vitesse \( \vec{v}\) dans un champ électrique \( \vec{E}\) et magnétique \( \vec{B}\) tels que \( \vec{F} = q(\vec{E} + \vec{v} \wedge \vec{B}) \) . Comme toutes les lois de la mécanique, l'expression de cette force devrait être un invariant galiléen. L'expérience montre que c'est le cas lorsque la vitesse est négligeable devant c, mais que ce n'est plus le cas lorsque v approche c. Ce qui est ennuyeux !

A l'analyse, on constate que deux des équations de Maxwell sont invariantes par la transformée de Galilée, mais que les deux autres qui contiennent les sources du champ électromagnétique ne sont pas invariantes.

Que faire ?

Les physiciens se sont trouvés devant un choix cornélien : comment expliquer que la vitesse de la lumière ne respecte pas la loi de composition des vitesses et que 2 équations de Maxwell n'étaient pas invariantes galiléennes, sans remettre en cause le principe de relativité galiléenne, base de toute la mécanique newtonienne ? Einstein a tranché en 1905...

Les postulats de la relativité restreinte

Les pré-requis

Avant d'énoncer les postulats de la relativité restreinte d'Einstein, il est bon de rappeller certains pré-requis, qui semblent triviaux mais qui ne le sont certainement pas...

La notion d'espace-temps

Ce terme a fait le bonheur des auteurs de science-fiction ! Dans le cadre de la relativité restreinte, l'espace-temps est un espace de 4 dimensions, 3 dimensions spatiales + 1 dimension temporelle, de même nature et dont l'existence est indépendante de toute existence de matière. Ce dernier point est très important, car il sera remis en cause dans la théorie de la relativité générale. Vous rencontrerez parfois le terme de continuum spatio-temporel ou continuum espace-temps, très science-fiction, car en physique, on appelle continuum un ensemble d'éléments de même nature, ici des évènements.

Autre caractéristique de l'espace-temps de la relativité restreinte: il est plat, c'est à dire que les axiomes d'Euclide sont applicables. Ce n'est pas vrai de l'espace-temps de la relativité générale, qui est courbe.

En relativité restreinte, un évènement est un point de l'espace-temps, caractérisé par ses 3 coordonnées spatiales et sa coordonnée temporelle, c'est à dire le quadruplet (x,y,z,t).

L'homogénéité de l'espace-temps

En relativité restreinte, on ne se préoccupe pas de la répartition de matière ou d'énergie dans l'espace-temps, ce qui ne sera plus vrai en relativité générale. On considère donc que l'espace-temps est homogène, c'est à dire qu'il possède les mêmes propriétés quelque que soit l'endroit de l'espace-temps où l'on se trouve.

Une conséquence importante est qu'il est possible de choisir arbitrairement l'origine d'un référentiel dans l'espace temps .En d'autres termes, une translation d'un référentiel ne produit aucun changement dans l'application des lois de la physique.

L'isotropie de l'espace

Dire que l'espace-temps est isotrope signifie qu'il a les mêmes propriétés quelque soit la direction visée à partir d'un point donné quelconque. En d'autres termes, une rotation d'un référentiel ne produit aucun changement dans l'application des lois de la physique.

Les postulats de la relativité restreinte

Le Petit Robert définit un postulat comme étant un principe indémontrable qui paraît légitime, incontestable. La physique, comme les maths, fait usage de postulats (les axiomes en math). Il s'agit de faits qui semblent bien établis, car vérifiés par l'expérience. Jusqu'à ce qu'une autre expérience remette en cause ledit postulat, ce qui arriva aux postulats de mécanique classique que nous avons évoqués ci-dessus... Gardez donc présent à l'esprit qu'un postulat n'est pas un résultat intangible !

Le premier postulat

Il affirme que les lois de la physique s'expriment de la même manière dans tous les référentiels d'inertie. Autrement dit, que tous les référentiels d'inertie sont équivalents pour l'application des lois de la physique. Il s'agit bien ici de toute les lois physiques, qui ne sont pas limitées à celles de la mécanique. Elles englobent en particulier les lois de l'électromagnétisme, et donc les équations de Maxwell.

Cette équivalence induit une conséquence importante: il est impossible dans un référentiel d'inertie de mettre en évidence le mouvement de ce référentiel avec des expériences internes au référentiel. Impossible de montrer que l'on est en mouvement ou pas si notre référentiel est en MRU (mouvement rectiligne uniforme), à l'aide d'une quelconque expérience de physique.

Attention, en relativité restreinte, nous ne traiterons habituellement que de référentiels d'inertie, c'est à dire non accélérés. Il est possible de traiter le cas des repères uniformément accélérés en relativité restreinte, mais dans ce cas la métrique (la manière de calculer les distances, pour faire simple) utilisée n'est plus la même que celle habituellement utilisée (celle de Minkowski).

Le deuxième postulat

La vitesse de la lumière dans le vide est un invariant par changement de référentiel d'inertie.

En fait, ce postulat peut être déduit du premier postulat et des propriétés de l'espace temps. l'élément essentiel qu'il faut plutôt retenir, c'est qu'il existe une valeur limite à la vitesse de propagation d'une interaction, alors que la mécanique classique postulait implicitement qu'une interaction se propageait à vitesse infinie.

Ce postulat a des conséquences assez exotiques: imaginez-vous chevaucher un photon et donc faire de la physique dans le référentiel du photon (il est galiléen..). D'après vous, quelle sera la vitesse du photon d'à coté, mesurée dans votre référentiel propre ? Il semble d'ailleurs que cette question, que se posa Einstein, fut à l'origine de la théorie de la relativité restreinte. Je vous rappelle que tous les référentiels d'inertie sont équivalents et que la vitesse d'un photon est un invariant, quelque soit le référentiel...

Les conséquences

Les conséquences de ces deux postulats (surtout du premier !) sont très importantes et doivent bien être comprises:

La transformée de Lorentz-Poincaré

Son expression

A partir des propriétés de l'espace-temps et du principe de relativité, on a construit une nouvelle transformée dite de Lorentz-Poincaré, qui satisfait les observations expérimentales et en particulier les expériences de Fizeau, Michelson et Morley, et qui assure l'invariance des équations de Maxwell. Pour l'histoire de cette transformée, je vous renvoie à l'excellent bouquin de JJ Samueli et JC Boudenot, "HA Lorentz - la naissance de la physique moderne" publié chez Ellipses, en particulier aux chapitres V et VI.

Voici l'expression de la transformée de Lorentz-Poincaré, en suivant la même forme que la transformée de Galilée:

\begin{align} x'=\gamma(v)[x - vt] \mbox{ ; } y'=y\mbox{ ; } z'=z \mbox{ ; } t'=\gamma(v)[t - \dfrac{vx}{c^2}] \end{align} avec \begin{align} \gamma(v) = \dfrac{1}{\sqrt{1 - (\dfrac{v}{c})^2}} \end{align}

Vous noterez que dans cette transformation, x et t subissent des modifications, contrairement à la transformée de Galilée où seule l'abscisse subissait une modification. Le coefficient \( \gamma(v) \) est souvent nommé facteur de Lorentz. Je vous encourage très vivement à le retenir, bien qu'il soit la plupart du temps donné dans les énoncés des problèmes de physique au bac.

\( \gamma \) : le facteur de Lorentz

Pour bien visualiser la nature du facteur de Lorentz, j'ai écris un petit programme Maple qui trace la courbe de variation de \( \gamma(v) \) pour un rapport v/c variant entre 0 et 1. Pour satisfaire aux habitudes relativistes, j'appellerai  \( \beta \) le rapport v/c. Voici ce que cela donne:

RR1

L'analyse et la représentation graphique montrent la présence d'une asymptote verticale pour v=1, c'est à dire lorsque v tend vers c. On observe aussi que la valeur de \( \gamma \) ne s'écarte pas beaucoup de 1 tant que le rapport v/c reste inférieur à 0.6. Cela nous donne une idée du domaine des vitesses dans lequel les effets relativistes ne sont plus négligeables.

L'approximation galiléenne

Vous avez sans doute noté que, dans l'expression de \( \gamma \), si je fais tendre \( \beta \) vers 0, c'est à dire si v << c, alors \( \gamma \) tend vers 1 et la transformée de Lorentz prend la forme de la transformée de Galiléen. Ce constat permet de valider l'utilisation de la transformée de Galiléen pour les expériences dans lesquelles les vitesses en présence sont négligeables devant c. c'est à dire la quais-totalité des expériences de labo de lycée.

Dilatation du temps

L'expérience de l'horloge à photons

Pour aborder cet effet, assez dérangeant pour un élève de lycée, je vais utiliser une version modernisée de l'expérience de pensée qu'Einstein décrit dans le chapitre IX de "La théorie de la relativité restreinte et générale", vous savez le train et l'observateur sur le quai ! Cette version modernisée est dûe à R. Feynman dans son cours de mécanique, tome 1 chapitre 15-4, que je vous encourage vivement à lire attentivement. On appelle cette expérience l'horloge à photons ou horloge de Feynman, et il est toujours question d'un train, d'un quai et d'observateurs...

Soit donc un train qui circule sur une voie en MRU (à vitesse constante). Dans ce train est disposée une horloge à photons. Il s'agit d'une cavité cylindrique verticale munie de deux miroirs à chacune de ses extrémités. Un dispositif tire des photons depuis son sommet. le "tic" de l'horloge est donné par le trajet haut vers le bas du photon et le "tac" par le trajet bas vers le haut, après réflexion sur le miroir du bas. Je vais noter h la hauteur du cylindre. Un passager du train, immobile dans le référentiel du train observe l'horloge et mesure son tic-tac.

Imaginons maintenant un observateur qui est au bord de la voie (sur le quai d'une gare pour suivre Einstein) et qui lui aussi observe l'horloge à photons (ne me demandez pas comment, c'est une expérience de pensée !). Lui aussi mesure le tic-tac de l'horloge. Le problème posé consiste à déterminer la perception qu'aura cet observateur du tic-tac, par rapport à l'observateur dans le train. On considérera les deux référentiels, R celui de l'observateur sur la voie et R' celui de l'observateur dans le train, comme des référentiels d'inertie.

Un petit schéma pour illustrer tout ça :

RR2

Plaçons nous dans le référentiel R' du train. Pour l'observateur dans le train, le temps Δt' d'un aller-retour du photon dans l'horloge est obtenu immédiatement d'après la définition bien connue de la vitesse (v=d/t) soit dans notre cas Δt' = 2h/c.

Dans le référentiel R, l'observateur voit le trajet du photon différemment : pendant que le photon fait son trajet haut-bas, le train bouge lui aussi. Et si la vitesse du train n'est pas négligeable devant la vitesse de la lumière, l'observateur voit le photon se réfléchir sur le miroir du bas qui ne sera plus à la même place que lorsque le photon a été tiré. J'ai bien écris "voit": pensez que la lumière a une vitesse finie et invariante et donc que l'observateur ne voit pas l'action à l'instant précis de cette action. En fait, l'observateur voit le trajet du photon comme le schéma ci-dessus l'indique. Une fois ce point posé, le reste n'est que calculs simples...

Appliquons le théorème de Pythagore dans le triangle ABC, ce qui nous BC2 = AC2 + AB2, et fixons les valeurs des différents cotés. AB vaut vΔt/2, c'est la moitié du déplacement du train pendant la durée Δt. AC vaut cΔt'/2, c'est la distance parcourue par le photon dans le référentiel du train. Et enfin, BC vaut cΔt/2, c'est la distance parcourue par le photon, vu par l'observateur sur la voie dans le référentiel R. Nous avons donc (cΔt/2)2 = (cΔt'/2)2 + (vΔt/2)2, ou encore en simplifiant par 4, (cΔt)2 = (cΔt')2 + (vΔt)2. En divisant les deux membres par c2 et en regroupant les termes en Δt, j'obtiens Δt'2 = Δt2(1 - (v/c)2) d'où finalement la formule célèbre, qui fait intervenir le facteur de Lorentz:

\begin{align} \Delta t = \dfrac{\Delta t'}{\sqrt{1 - (\dfrac{v}{c})^2}} \end{align}

Voici introduite de façon intuitive la dilatation du temps. Le résultat est assez déconcertant : si v n'est pas négligeable devant c, la durée Δt mesurée par l'observateur lié à R est plus longue que la durée Δt' mesurée dans R', pour le même mouvement ! Lorsque v tend vers c, on note même que la durée Δt tend vers l'infini ! L'observateur dans R ne verra jamais le photon se réfléchir dans le miroir du bas ! Bon, si v = 0, on aura Δt = Δt', ce qui est rassurant, mais quand même !
Tout ça à cause du principe de relativité et de la finitude et invariance de la vitesse de la lumière: incroyable non!

Petits éléments de terminologie : on appelle "temps propre" et "durée propre", le temps et la durée mesurés dans le référentiel de l'observateur, muni de son horloge propre et unique. On appelle "temps impropre" et "durée impropre", le temps et la durée mesurés dans deux référentiels différents, ou en deux lieux différents d'un même référentiel.

Ce que devient la simultanéité

Pour simplifier, nous allons nous placer dans un espace-temps de dimensions (x,t), sachant que le raisonnement reste valable pour un espace-temps de 4 dimensions (x,y,z,t). Considérons deux évènements (xa,ta) et (xb,tb) se produisant dans un référentiel d'inertie R. Dans ce référentiel, les deux temps propres ta et tb sont égaux.
Dans le référentiel d'inertie R', qui se déplace en MRU à une vitesse v, les deux évènements se produiront aux temps t'a et t'b, sachant que ces temps sont liés par les relations: \( ct'_a = \gamma(ct_a - \beta x_a) \) et \( ct'_b = \gamma(ct_b - \beta x_b) \). On en tire la relation:

\begin{align} t'_a - t'_b = \dfrac{v(x_b - x_a)}{c^2\sqrt{1 - (\dfrac{v}{c})^2}} \end{align}

On constate donc avec étonnement qui si deux évènements sont simultanés dans le référentiel R, ils ne le seront plus dans le référentiel R' si xa est différent de xb. La simultanéité n'est donc plus garantie en relativité restreinte! Evidemment, si v est nulle ou presque, on retrouve la simultanéité de notre vie quotidienne...

Contraction des longueurs

Dans l'expérience ci-dessus, vous avez noté que l'horloge à photons était disposée verticalement. Le résultat aurait été différent si elle avait été disposée horizontalement.. En effet, la relativité du temps a un impact direct sur la relativité de la longueur, comme nous allons le démontrer intuitivement dans la suite. Cet aspect n'est pas abordé dans le cours de TS, mais il n'est pas plus exotique que la relativité du temps !

Revenons dans notre train, muni de son référentiel d'inertie R'. Notre passager décide d'abandonner son horloge à photons pour mesurer la longueur du quai de la gare qu'il traverse. Pourquoi pas !
Il mesure, dans son référentiel et avec son horloge, la durée qui sépare le passage aux deux extrémités du quai et trouve une durée Δt'. Si v désigne la vitesse relative du train par rapport à R, le passager déduira que la longueur du quai est égale à l' = vΔt'.
De la même manière, l'observateur sur la voie mesure cette longueur dans son référentiel R et trouve une longueur l0. Il calcule que cette longueur est parcourue en Δt = v/l0 secondes. Attention, Δt n'est pas un temps propre, car pour effectuer la mesure de cette durée, il faut disposer de deux horloges situées en des lieux différents (les extrémités du quai).
Nous savons maintenant que Δt' et Δt sont liés par la relation \( \Delta t' = \Delta t\sqrt{1 - (\dfrac{v}{c})^2} \). Ce qui nous permet d'écrire que:

\begin{align} l' = l_0\sqrt{1 - (\dfrac{v}{c})^2} \end{align}

Ainsi donc, le quai qui possède une longueur l0 dans son référentiel propre parait avoir une longueur l' plus petite dans un référentiel en MRU par rapport à lui ! Par contre, ses autres dimensions n'ont pas changées, seule la dimension dans la direction du mouvement est affectée. On appelle ce phénomène la contraction des longueurs.
Mais attention à l'interprétation de ce fait : le quai n'a pas physiquement retréci ! L'instrument de mesure (règle ou mètre) n'a pas physiquement rétréci non plus, car le principe de relativité impose qu'il soit identique dans tous les référentiels d'inertie. C'est la notion de longueur qui dépend du référentiel choisi, car il s'agit en fait de la mesure d'une distance entre deux évènements, et les coordonnées de ceux-ci dépendent du référentiel d'après la transformée de Lorentz-Poincaré.

Pour illustrer ce phénomène, voici la courbe de variation de longueur d'une règle de 1m, en fonction de (v/c):

RR2

Cette courbe est tracée par le programme Maple RR2.mpl,téléchargeable.

La loi de composition des vitesses en relativité restreinte

Pour simplifier les choses, je vais considérer un mouvement selon l'axe Ox uniquement. Le calcul est similaire pour un mouvement dans un espace-temps 4D, mais un peu plus compliqué.

Considérons donc une particule M en mouvement dans le référentiel d'inertie R. Supposons que le référentiel R' est en MRU par rapport à R, et que son axe Ox' glisse le long de l'axe Ox de R à une vitesse V constante. La particule M a pour coordonnées (x,t) dans R et (x',t') dans R'. Ces coordonnées sont liées par la transformée de Lorentz-Poincaré, c'est à dire \( x=\gamma(V)(x' + Vt') \) et \( t=\gamma(V)(t' + \dfrac{Vx'}{c^2}) \).

Soit v la vitesse de M dans R et v' la vitesse de M dans R'. Par définition, j'ai x = vt et x' =v't'. Si je reporte les valeurs de x' et t' dans les équations de Lorentz ci dessus, et en divisant membres à membres, j'obtiens \( \dfrac{x}{t} = \dfrac{v' + V}{1 + \dfrac{v'V}{c^2}} \). Ce qui me donne donc la loi de composition des vitesses:

\begin{align} v = \dfrac{v' + V}{1 + \dfrac{v'V}{c^2}} \end{align}

Vous noterez que cette expression n'est pas égale à v' + V, comme on s'y attendrait en mécanique classique, mais que si v << c, alors on retrouve v' + V !

De manière plus générale, dans un espace-temps de 4 dimensions, on obtient l'équation vectorielle suivante:

\begin{align} \vec{v} = \vec{v'} + \vec{V} - \dfrac{1}{c^2} (\vec{V}.\vec{v'})\vec{v'} \end{align}

On retrouve la valeur obtenue en mécanique classique lorsque c tend vers l'infini, comme on pouvait s'y attendre !

Le paradoxe des jumeaux

Problème classique maintenant abordé en TS, surtout sous la forme d'une étude de documents... Présentons d'abord le paradoxe des jumeaux, que Paul Langevin exprima en 1911.

Considérons 2 jumeaux, que l'on peut comparer à deux horloges synchronisées. Un des jumeaux, le jumeau A, reste sur Terre et l'autre, le jumeau B, entreprend un voyage spatial à une vitesse proche de celle de la lumière (c'est une expérience de pensée !). Puis il revient sur Terre et constate qu'il a moins vieilli que son jumeau resté sur Terre ! Dans le référentiel de B, son temps propre n'a pas varié, mais l'horloge de A lui semble ralentir, selon la transformée de Lorentz. Réciproquement, dans le référentiel de A, c'est l'horloge de B qui semble ralentir. Et donc au retour, lorsque A et B se retrouvent dans le même référentiel, chacune des horloges devraient indiquer un temps inférieur à l'autre. C'est la paradoxe de Langevin, parce que le résultat semble en contradiction avec le résultat attendu.

Arrivé à ce stade, il importe de se souvenir des termes exacts du premier postulat : pour être applicable, les référentiels doivent être inertiels, c'est à dire non accélérés. Le référentiel du jumeau B n'est pas équivalent à celui du jumeau A, au sens de la relativité restreinte, car il a été acceléré, même de manière instantanée. Il n'est donc pas cohérent de raisonner symétriquement comme on tente de le faire dans l'énoncé du paradoxe de Langevin.

Le principe de relativité ne signifie pas que tous les mouvements sont relatifs, comme semble le suggérer le paradoxe de Langevin ! Les points de vue des jumeaux A et B ne sont pas interchangeables, car ils ne se situaient pas tous les deux dans un référentiel d'inertie. Seuls les mouvements non accélérés sont relatifs, au sens de la relativité restreinte. Pour élargir cette relativité aux mouvements accélérés, il faut recourir à la relativité générale.

Finalement, la transformée de Lorentz nous indique la relation entre le temps de voyage Ta mesuré par l'horloge du jumeau A et le temps Tb mesurée par l'horloge du jumeau B, qui s'exprime par \( T_b = T_a \gamma(v) \).

Notons aussi un autre aspect intéressant : lorsque l'horloge du jumeau B revient sur Terre, elle bat comme l'horloge de A, mais l'écart du au voyage ne disparait pas ! Elle retardera toujours ! La dilatation du temps est cumulative !

Durée de vie des muons dans l'atmosphère

Autre problème de bac S très classique...

Les muons sont des particules massives (de masse propre égale à 207 fois la masse propre de l'électron), qui peuvent être produites par interaction entre le rayonnement cosmique et la haute atmosphère. Le muon n'est pas une particule stable: il se désintègre en donnant un électron, un neutrino muonique et un antineutrino électronique (c'est sans importance pour notre problème). Comme toute désintégration, celle du muon suit une loi exponentielle \( n(t) =n_0 \exp(-\dfrac{t}{\tau}) \). La durée de vie propre d'un muon (entre sa création et sa désintégration) dans un référentiel au repos est \( \tau_p = 2,2*10^-6 s \). Les muons d'origine cosmique ont une vitesse de l'ordre de la vitesse de la lumière.

Muni de ces hypothèses, voici le problème, tiré d'une expérience faite en 1941: on dispose des compteurs à scintillations sur une montagne, à différentes altitudes, qui permettent de dénombrer les muons cosmiques. On suppose que l'intensité du flux de muons ne varie pas dans le temps et l'espace pour l'étendue de l'expérience considérée (c'est rarement précisé dans les énoncés...).
Voici les résultats expérimentaux: la vitesse v des muons est égale à 0,995c. A une altitude de 2 000m, on dénombre 560 muons par heure. A une altitude de 0 m, on en dénombre 410 par heure.

Première question : si l'on raisonne en mécanique classique, combien de muons par heure devraient atteindre le niveau de la mer, après avoir été détectés à 2 000m? Le temps nécessaire pour parcourir 2 000 m à 0,995c est de 6,7 microsecondes. En utilisant l'équation de désintégration et la durée de vie du muon au repos, on obtient n = n0exp(-6,7/2,2) = 27 muons. Ce qui nous pose un sérieux problème, car on en dénombre 410 !

Deuxième question: comment expliquer la différence entre le calcul classique et le résultat expérimental? C'est assez simple : les muons se déplacent, dans le référentiel terrestre supposé galiléen, à une vitesse proche de celle de la lumière, les effets relativistes ne sont donc pas négligeables. La durée de vie propre d'un muon est de 2,2 microsecondes, dans un repère R lié au muon. Dans ce référentiel, le référentiel terrestre R' se déplace à 0,995c. Et donc pour un observateur lié à R' (nous !), le temps de vie d'un muon devient \( \tau = \gamma(v) \tau_p \). Si l'on reprend le calcul du nombre de muons avec cette valeur de \( \tau \), on obtient \( n = n_0 \exp(-\dfrac{t}{\gamma \tau_p}) \), soit n = 413 muons par heure. Ce que l'on constate aux erreurs expérimentales près !

La dilatation du temps est vérifiée expérimentalement ...

Pour conclure

La théorie de la relativité restreinte a été introduite dans le programme de physique 2012 de TS et c'est une bonne chose. Après tout, il s'agit de physique plus que centenaire ! Cependant, sa compréhension bouleverse la compréhension quotidienne du monde qu'ont les élèves. Son appréhension est loin d'être immédiate. Pour dépasser la simple application du facteur de Lorentz à la dilatation du temps, il faudra beaucoup d'imagination... A ce titre, on peut regretter qu'une approche graphique (diagramme de Lorentz ou de Minkoswki) ne soit pas proposée, au moins comme activité.

J'aimerais recommander les lectures suivantes, qui ne réclament pas de mathématiques plus sophistiquées que celles que possèdent un élève de TS:


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