Les nombres complexes

Il n'est pas question ici de refaire le cours de maths sur l'introduction des nombres complexes et du corps qu'ils forment. Après avoir rappelé la définition et quelques propriétés indispensables, je m'intéresserai davantage à l'utilisation des complexes en physique et particulièrement en physique ondulatoire.
J'insiste sur l'importance de bien manier les nombres complexes: ils forment, avec les vecteurs, la base des outils mathématiques nécessaires à la physique du lycée et de prépa.

Définition et propriétés

On appelle nombre complexe, un élément du corps des complexes construit de la manière suivante:

z = a +i*b

a et b sont des nombres réels. i est le nombre imaginaire tel que i² =-1. Une petite remarque en passant: les électriciens utilisent le symbole j pour désigner le nombre imaginaire, afin de ne pas confondre l'imaginaire et une intensité. Ici, j'utilise le symbole i.

La notation ci-dessus est appelée "notation algébrique", sachant qu'il existe d'autres notations dont nous parlerons plus bas.

Quelques autres définitions:

on appelle "partie entière" de z, notée Re(z), le réel a.
on appelle "partie imaginaire" de z, notée Im(z), le réel b.
Si a = 0, on dit que z est un "imaginaire pur".

L'ensemble des nombres complexes, muni de l'addition et de la multiplication, forme un corps nommé C. Les deux opérations possèdent les propriétés classiques pour former un corps (voir votre cours d'algèbre des structures).

On définit le nombre complexe conjugé de z, noté z* (ou z barre dans certains ouvrages), z* = a - i*b. Il possède les propriétés suivantes:

(z*)* = z
(z + z')* = z* + z'*
(zz')* = z*z'*
z + z* = 2*Re(z)
z - z* = 2*Im(z)
zz* = a² + b²
1/z = z*/zz* = (a -i*b)/(a² + b²) si z non nul bien sur!

Représentation géométrique d'un nombre complexe

On peut voir un nombre complexe quelconque comme un couple de nombres réels (a,b), ce qui a conduit tout naturellement à tracer un nombre complexe dans le plan euclidien, muni d'un repère (O,i,j). Ce plan est nommé opportunément "plan complexe". Bien sur, le couple (a,b) est devenu les coordonnées du point M associé au complexe z. On peut d'ailleurs remarquer que ladite "association" est une bijection entre C et le plan complexe....

Dans notre repère, l'axe Ox est appelé l'axe des réels (il porte l'abscisse a) et l'axe Oy est appelé axe des imaginaires (puisqu'il porte l'ordonnée b !). On dit que z est l'affixe de M et que M est l'image de z.

Représentons dans notre repère (O,i,j) le nombre complexe z = x + i*y, d'image M et son conjugué z*, d'image M*. A partir de cette représentation dans le plan complexe, je peux construire deux quantités importantes:

le module de z, noté |z[ ou ρ, comme |z| = ||OM||
l'argument de z, noté arg(z), comme arg(z) = (Ox,OM).

A partir d'un théorème bien connu, que je suppose pouvoir appliquer dans le plan complexe, j'obtiens donc:

ρ= sqrt(x² + y²)
arg(z) = θ

que je peux exprimer autrement par les égalités à connaitre par coeur:

x = ρ*cosθ
y = ρ*sinθ
tanθ = y/x d'où θ = ArcTan(y/x)

et enfin, je peux écrire z sous une forme dite "trigonométrique":

z = ρ(cosθ+ i*sinθ)

Cette notation permet d'introduire une formule célèbre, la formule de Moivre, à connaître par coeur également:

(cosθ+ i*sinθ)ⁿ = cos(nθ)+ i*sin(nθ)

Utile pour linéariser dans certains cas....

On notera en passant que:

zz* = ρ²
|1/z| = 1/|z| = (1/ρ) (cosθ - i*sinθ)
arg(1/z) = -arg(z)

On introduit également la notion de racine nième d'un nombre complexe z non nul. Soit Z = ρ(cosθ+ i*sinθ) et (z)ⁿ = Z. On démontre Z admet n racines nième de la forme :

z = r(cosα + i*sinα) avec r = (ρ)^1/n et α = θ/n + p(2π/n), p allant de 1 à n.

A titre d'exemple, posons (z)ⁿ = 1. Nous en déduisons, d'après les formules ci-dessus que ρ = 1 et que α = 2π/n. D'où les racines nième de z = 1, qu'il est intéressant de poser sur le cercle trigo...

Notation exponentielle d'un nombre complexe

Pour un physicien, c'est sans doute la notation la plus utilisée et la plus importante. Cette notation est donnée par la formule d'Euler. Un nombre z = ρ(cosθ+ i*sinθ) s'écrira selon cette formule:

ρe^iθ = ρ(cosθ+ i*sinθ)

Le complexe conjugué de z s'écrit évidemment:

ρe^-iθ = ρ(cosθ - i*sinθ)

Cette notation permet bien des simplifications, en transformant les règles de calcul de produit, de puissance ou de division en calcul de puissance. Ainsi:

e^{i(θ₁ + θ₂)} = e^iθ₁*e^iθ₂
(e^-iθ)ⁿ = e^-inθ

On en déduit aussi d'autres formules dues à Euler, qui sont fondamentales:

cosθ= 1/2(e^iθ + e^-iθ)
sinθ= 1/2i(e^iθ - e^-iθ)

D'habitude, cette formule d'Euler est balancée comme ça, sans autre forme de procés et sans explication. Il ne serait peut-être pas inutile de rappeler l'origine de cette égalité.
Considérons donc une fonction f(θ) telle que f(θ) = cosθ + i*sinθ, avec θ réel, et étudions quelques unes de ses caractéristiques.

Pour commencer, calculons f(0) = 1 car cos(0) + i*sin(0) = 1 . C'est une première propriété f(0) = 1.

Calculons maintenant sa dérivée f'(θ). On obtient facilement f'(θ) = -sinθ + i*cosθ, expression que l'on peut aussi écrire f'(θ) = i(cosθ + isinθ), ce qui nous donne la relation f'(θ) = i*f(θ). Voilà donc la deuxième propriété intéressante puisque nous avons f'(θ) = k*f(θ), avec k = i.

Autre propriété intéressante : calculons f(θ)*f(θ'). En développant, nous obtenons f(θ)*f(θ') = (cosθ + i*sinθ)*(cosθ' + i*sinθ'). Il suffit de calculer et nous obtenons la somme cosθcosθ' + i*cosθsinθ' + i*sinθcosθ' - sinθsinθ'. Regroupons les termes réels et imaginaires, on obtient f(θ)*f(θ') = cosθcosθ' - sinθsinθ' + i*(cosθsinθ' + sinθcosθ').
Bien sur, vous connaissez vos relations trigo par coeur et donc vous aurez reconnu que cosθcosθ' - sinθsinθ' = cos(θ + θ') et que cosθsinθ' + sinθcosθ' = sin(θ + θ').
Nous avons donc l'égalité f(θ)*f(θ') = cos(θ + θ') + i*sin(θ + θ'), soit finalement f(θ)*f(θ') = f(θ+ θ').

Ainsi, pour récapituler, notre fonction f(θ) = cosθ + i*sinθ présente les propriétés suivantes:

f(0) = 1
f'(θ) = k*f(θ), avec k = i
f(θ)*f(θ') = f(θ+ θ')

Et là, je fais appel à vos souvenirs de cours de terminale: à quelle fonction correspondent ces propriétés? A la fonction exponentielle bien sur ! C'est ainsi qu'Euler identifia e^iθ = cosθ + i*sinθ, ce qu'on appelle la formule d'Euler. Un trait de génie!

Représentation complexe d'une grandeur sinusoïdale

Considérons une fonction sinusoïdale du temps A(t) = A₀cos(ωt + φ). En utilisant les formules d'Euler ci-dessus, je peux écrire cette fonction sous forme complexe:

A(t) = A₀e^{i(ωt + φ)}.

Notez que l'on distingue cette écriture de la fonction A(t) en la soulignant (c'est une convention, c'est tout...).

On peut modifier légèrement la formule ci-dessus pour faire apparaître la notion d'amplitude complexe, en écrivant :

A(t) = A₀e^iφe^iωt.

L'amplitude complexe A = A₀e^iφ donne des informations sur l'amplitude réelle et sur la phase du signal. Cela nous donne aussi un moyen simple de calculer l'amplitude de A(t), en remarquant A(t) * A(t)* = A₀² = A*A*

Une chose très importante : jusqu'à ce qu'on vous dise le contraire, seule la partie réelle Re(A(t)) représente une grandeur physique mesurable! Attention alors aux résultats que vous présenterez....

Cette notation présente d'autres avantages sur lesquels les professeurs n'insistent pas assez à mon goût. Par exemple:

dériver par rapport au temps la fonction A(t) revient à la multiplier par iω : A'(t) = iωA₀e^{i(ωt + φ)}
plus généralement dériver à l'ordre n revient à multiplier par (iω)ⁿ : dⁿA(t)/dtⁿ = (iω)ⁿA₀e^{i(ωt + φ)}
intégrer cette même fonction revient à la multiplier par 1/iω . Faites le calcul pour vérifier....

Admettez que cela simplifie la vie... C'est aussi une bonne introduction à la notion d'opérateur, mais c'est une autre histoire!

En physique, on remplace l'expression réelle d'une fonction sinusoïdale par son écriture complexe, puis on fait les calculs sur la forme complexe. A la fin des calculs, on ne conserve que la partie physiquement significative, c'est à dire la partie réelle du résultat, sauf en physique quantique où la grandeur complexe peut avoir une signification, mais c'est encore une autre histoire.

Un exemple de traitement d'une fonction sinusoïdale

Voyons comment utiliser les notions présentées ci-dessus sur un cas d'école. Considérons par exemple l'équation différentielle qui détermine la tension u(t) dans un circuit RLC série excité par une tension de la forme E*cos(ωt). Vous le savez tous, cette EDO est de la forme:

LC d²u/dt² + RC du/dt + u = E*cos(ωt)

Remplaçons les différents éléments de cette EDO par leur représentation complexe, comme indiqué ci-dessus. Nous obtenons LCd²u/dt² + RCdu/dt + u = E*e^iωt soit encore LC*(iω)²u + RCiωu + u = E*e^iωt d'où une équation algébrique linéaire au lieu d'une EDO ! Cette équation devient u(-LCω² + iRCω + 1) = E*e^iωt

Si je pose classiquement ω₀² = 1/LC et en rappelant que u = U*e^{(iωt+^φ)} , j'obtient finalement (en simplifiant les deux membres par e^iωt ) :

Ue^iφ (1 - ω²/ω₀² + iRCω) = E .

Ainsi, j'ai pu traiter une EDO de second ordre comme une équation algébrique simple.
La méthode trouve toute sa puissance dans le cours d'électromagnétisme et d'optique, où il quasiment irréaliste de ne pas l'employer. D'ailleurs, la plupart des énoncés de problèmes des concours imposent l'emploi de la notation complexe dans l'expression des grandeurs sinusoïdales.