La physique est avant tout une science expérimentale. Même le théoricien le plus exotique doit se préoccuper de savoir si sa théorie pourrait être vérifiable par une expérience. Dans le cas contraire, elle rejoint les rangs de la métaphysique, au mieux...
Tous les physiciens, y compris les débutants du lycée, sont donc amenés à manipuler des grandeurs numériques, résultats de mesures de grandeurs physiques. Ils sont aussi amenés à effectuer des calculs divers sur ces grandeurs et à présenter les résultats de ces calculs.
Et là, les choses se compliquent. Tout le monde comprend intuitivement qu'un appareil de mesure donne un reflet plus ou moins exact de la "réalité", que le résultat d'une mesure peut être entaché d'erreurs. Mais comment estimer ces erreurs et en tenir compte dans l'expression d'un résultat de mesure ou de calcul. C'est ce que nous allons voir ici.
Cette page n'est qu'une introduction bien incomplète à ce sujet. Vous trouverez un approfondissement de ce thème dans de multiples ouvrages, par exemple "Estimer l'incertitude : mesures, essais" de Christophe Perruchet. Cet auteur a aussi commis un superbe volume sur le sujet pour l'AFNOR, mais il est hors de prix!
L'opération de mesure est une interaction entre un objet dont on veut quantifier une caractéristique, un instrument de mesure qui permet la comparaison entre la grandeur et une grandeur de référence, et un opérateur qui réalise la mesure. Les incertitudes proviennent essentiellement de ces deux derniers acteurs: l'instrument et l'opérateur. Je n'aborde pas ici les incertitudes inhérentes à l'objet mesuré, qui peuvent résulter de son caractère quantique.
On répartit les incertitudes en deux classes, selon le type d'erreurs dont elles découlent.
Ce sont les erreurs provenant de l'appareil de mesure, du processus de mesure ou de l'opérateur, qui sont répétitives et constantes. Par exemple:
Les erreurs systématiques doivent être traquées et éliminées. C'est d'ailleurs 80% du boulot d'un expérimentateur (j'exagère à peine! Sans compter les réunions bien sur!). Dans le traitement statistique des données de mesures, elles introduisent un biais identifiable et de très mauvais effet!
Elles ont des origines diverses:
Les erreurs aléatoires ne peuvent pas être éliminées. On peut les limiter mais pas les éliminer. Il faut donc savoir les évaluer. C'est l'objectif du calcul d'incertitude.
Donnons d'abord deux définitions:
Il existe plusieurs méthodes statistiques permettant d'évaluer l'incertitude absolue résultant d'erreurs aléatoires dans une série de mesures. J'y reviendrais dans une autre page. En règle générale, au lycée, on peut se contenter d'un principe simple:
Donc, notre résultat s'exprime sous la forme Vmoy +- ΔV. Si vous utilisez un instrument de mesure correctement calibré, vous pouvez décider que l'incertitude absolue de vos mesures est égale à la précision indiquée sur votre instrument.
Imaginons que je doive estimer l'incertitude absolue sur une grandeur calculée z qui est la somme de deux grandeurs mesurées x et y. Les incertitudes absolues sur x et y sont respectivement Δx et Δy. On démontre (essayez avec la définition de l'incertitude absolue, c'est très facile!) que:
Δz = Δx + Δy
Evidemment, c'est le même principe pour une différence de deux grandeurs.
Imaginons maintenant que je doive estimer l'incertitude absolue sur une grandeur calculée z qui est le produit de deux grandeurs mesurées x et y. On démontre (essayez avec la définition de l'incertitude absolue, c'est très facile! Attention, on néglige les termes de second ordre ΔxΔy) que:
Δz = Δx*y + Δy*x
ce qui nous donne l'expression de l'incertitude relative, plus maniable:
Δz/z = Δx/x + Δy/y
Evidemment, c'est le même principe pour un quotient de deux grandeurs.
Pour conclure, un résultat de mesure ou de calcul dérivant d'une mesure, doit comporter les indications suivantes:
Par exemple : La longueur l du motif est l = 0,23*10-6 +- 0.01*10-6 m . Cette notation signifie que la longueur l "vraie" est probablement comprise - généralement avec 95% ou 99% de chance - entre 0,22 et 0,24 * 10-6 m.
Considérons un très simple problème: je mesure le diamètre d'un disque avec une règle en plastique graduée en millimètres. Je lis la valeur de 33,1 cm (un vieux vinyl!) . On me demande de calculer sa circonférence, en me donnant pi = 3.14159265. Je sais que la circonférence C d'un disque est donnée par le produit pi*d, et donc je réponds sûr de moi que C = 103,98672 cm (c'est ce que me dit ma calculatrice Texas V200 de course...).
Que pensez-vous de ce résultat? Déjà, je n'ai pas oublié l'unité (mais pas en SI!), ma formule est correcte aussi... Mais qu'est-ce qui cloche?
Cela ne vous gêne-t-il pas de mesurer un diamètre au millimètre près et d'annoncer une circonférence à 10-5 cm près!! Par quel miracle avez-vous créé cette précision?
Ce n'est pas un miracle, c'est une erreur.... Vous avez pris trop de liberté avec la manipulation des chiffres significatifs. Voyons ce qu'il faut absolument savoir à propos des chiffres significatifs.
Dans l'expression numérique du résultat d'une mesure physique, le nombre de chiffres significatifs donne le degré de précision de la mesure. Le chiffre signification le plus à droite (en écriture latine) est le chiffre sur lequel porte l'incertitude. Déterminer le nombre de chiffres significatifs d'un résultat relève de certaines règles que je vais donner ci-dessous. Attribuer des chiffres significatifs à un résultat de mesure est l'aboutissement d'un calcul d'incertitude basé sur les méthodes et outils de mesure. Ce n'est pas tout à fait la même chose!
Voyons les règles de détermination du nombre de chiffres significatifs:
Dans l'énoncé de mon problème, le diamètre est donné avec 3 chiffres significatifs et la constante PI avec 9 chiffres significatifs!
Pour éviter de se tromper, une règle simple:
écrivez vos résultats en notation scientifique, le nombre de chiffres significatif dans cette notation est celui de la mantisse!
Par exemple, le diamètre de mon disque s'écrit en notation scientifique 3.31*10-1 m. La mantisse est 3.31 avec 3 chiffres significatifs. La circonférence doit être exprimée avec 3 chiffres significatifs et dans la bonne unité SI, soit 1,04*100 m. Si vous écrivez 1,04 m, votre prof ne vous en voudra pas trop, mais ce n'est pas correct en notation scientifique.
La règle générale veut que ce soit l'opérande avec le moins de chiffres significatifs qui impose sa loi. Cela semble naturel: c'est le plus imprécis, et la précision du résultat dépend de la précision la moins grande.
Voyons ce que donne l'application de cette règle aux différentes opérations...
Dans le cas d'une addition ou d'une soustraction, le résultat ne doit pas comporter plus de décimales que l'opérande qui en compte le moins.
Notez qu'il ne s'agit pas de chiffres significatifs mais de décimales! Par exemple, j'ajoute deux longueurs connues avec une précision différente 100,1 m et 0,52 m. Le résultat 100,1 + 0,52 doit s'écrire 100,5 m ou encore en notation scientifique 1,005*102 m. Vous remarquerez sans doute que le résultat a 4 chiffres significatifs, alors que le 2eme opérande (0,52) n'en a que 2. Mais la précision de la mesure du première opérande (100,1) est moins grande que celle du second (0,52) et donc le résultat n'aura qu'un chiffre significatif après la virgule et conservera toutefois ses 4 chiffres significatifs.
Attention aux arrondis également....
Dans le cas d'une multiplication ou d'une division, le résultat ne doit pas compter plus de chiffres significatifs que l'opérande qui en compte le moins.
On parle là de chiffres significatifs! Imaginons que je doive calculer le diamètre d'un disque dont on me dit que sa circonférence C est de 3 m . On me donne PI = 3,14. Je sais que d = C/PI, soit 3/3,14. C est donnée avec un seul chiffre significatif. Je dois donc exprimer d avec un seul chiffre signification soit 1 m. Pas la peine de prendre sa calculette pour faire un calcul précis, cela ne servirait à rien. Un calcul ne produit pas de précision!
Imaginons un cas un peu plus compliqué. On vous demande de calculer la force d'interaction électrostatique entre un noyau d'hydrogène et un électron. Les données du problème sont:
Sans faire le calcul, pouvez-vous me dire combien de chiffres significatifs doit comporter le résultat? Un seul! Regardez le nombre de chiffres significatifs avec lequel est exprimée la distance... A ce compte là, on peut faire le calcul de tête!
La prochaine fois que vous sortez votre calculette, évitez donc de reporter sur votre copie la kyrielle de chiffres qu'elle vous affiche avant d'avoir vérifié le paragraphe "données numériques" de votre énoncé! Cela fera plaisir à votre prof (et à moi aussi)..
Pour résumer, retenez cette maxime:
Un calcul ne peut pas rendre une mesure plus précise - Ne créez pas de la précision par une erreur de chiffres significatifs!
Le problème des chiffres significatifs en physique numérique est assez particulier. Comme vous le savez, un ordinateur ne connait pas les réels. Il manipule des nombres entiers et des nombres à virgule flottante, dont la structure est celle d'un nombre exprimé en notation scientifique (mantisse et exposant, la base étant 2).
Dans nos calculs, nous n'avons donc pas vraiment le choix! Il faut choisir entre entiers ou flottants, et dans ces deux catégories, choisir un format. Je ne cite pas les complexes et autres, car ils se ramènent toujours aux entiers ou flottants. Il faut également savoir que le format d'un nombre dépend de son processeur et du compilateur utilisé. Il existe des processeurs qui calculent nativement en 32 ou 64 bits. Il existe aussi des compilateurs qui acceptent des déclarations d'entiers ou de flottants sur 64 bits bien qu'ils travaillent sur des processeurs de 32 bits. Bref, ce n'est pas très simple...
Le tableau ci-dessous décrit les types de variables que j'utilise essentiellement dans mes programmes C (processeur 32 bits). On retrouve les mêmes types de variables en FORTRAN, C++, Python et dans Scilab ou Maple.
Type C | Nom | Taille (en octets) | Domaine de variation |
int | Entier | 4 | -2 147 483 648 à 2 147 483 647 |
long int | Entier long | 4 | -2 147 483 648 à 2 147 483 647 |
float | Flottant | 4 | 3.4*10-38 à 3.4*1038 |
double | Flottant double | 8 | 1.7*10-308 à 1.7*10308 |
long double | Flottant double long | 10 | 3.4*10-4932 à 3.4*104932 |
Vous noterez que sur un processeur 32 bits, les types int et long int sont identiques (long int est une scorie des processeurs 16 bits). Attention, ces données peuvent varier selon les processeurs et les compilateurs (en particulier pour les long double, qui peuvent être codés sur 128 bits ou lieu de 80).
Pour le calcul ou la simulation, personnellement je pars du principe que, possèdant suffisamment de mémoire et d'une CPU assez puissante, j'utilise toujours des double. Evidemment, si j'étais amené à faire du calcul lourd, j'y réfléchirais à deux fois...
Les formats disponibles en C (en FORTRAN, Scilab et Maple de la même manière!) permettent de respecter les règles énoncées ci dessus. Voir à ce sujet ma page d'initiation au C.
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